Moulins

2019 – Hôtel Ibis

Diagnostic d’archéologie préventive

Date d’intervention : 4 au 12 mars 2019
Responsable scientifique : Franck Chaléat

Surface prescrite : 2 108 m2
Nature de l’aménagement : Extension d’un complexe hôtelier

Aménageur : Soghestelière Moulins Centre

Chronologie : Époque Moderne, Époque Contemporaine

Photographie de la parcelle diagnostiquée (Cliché : D. Lallemand)

Un diagnostic a été effectué du 4 au 12 mars 2019 place Jean Moulin à Moulins par 2 agents du Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier, pour l’extension de l’Hôtel IBIS. 

Ce diagnostic dévoile peu de vestiges, et ceux-ci restent peu consistants. 5 sondages ont été réalisés.

Plan général de l’intervention (SAPDA)

Le substrat naturel a été atteint partout, un peu au-dessus de 208 m NGF, et ses variations d’altitude définissent un pendage général léger, entre des parties hautes dans les zones sud et ouest du diagnostic (sondages 1 et 2), et des affaissements en partie nord-est (sondage 4) : une telle configuration pourrait être liée à la présence relativement proche de la rivière Allier, les parties hautes étant associées à de possibles dépôts de crues.

Malgré la réalisation de cinq sondages, on note l’absence flagrante de tout vestige médiéval. En effet, les premiers dépôts venant coiffer le substratum sont visiblement datables de la fin de l’Époque Moderne (17e-18e siècles) au plus tôt, ce qui peut être mis en correspondance avec le fait que la rive orientale de la rivière n’a visiblement été lotie qu’au tournant de l’Époque Moderne (étude de l’Îlot Fraternité). Les premières traces d’occupation comprises dans ces terres ne sont pas datables, et semblent encore trahir une occupation de type rural ou vivrier.

Photographie d’une fosse attestant d’une des premières phases d’occupation (SAPDA)

La phase suivante concerne l’organisation de zones de jardin au cours de l’époque industrielle, en accord avec ce que figure le plan cadastral de 1819 : un amas important de terres de jardin brunes et homogènes caractérise cette phase, avec la mise en place de possibles murs de soutènement pour des terrasses, le tout datable du 19e siècle.

Cadastre ancien (1819) de Moulins avec emprise du diagnostic en bleu. On note que l’actuelle rue Louis Blanc n’a pas encore été percée (Archives Départementales de l’Allier, SAPDA)
Photographie du parement nord du mur de soutènement des terrasses (SAPDA)

Plus tard au cours du même siècle, le percement de l’actuelle rue Louis Blanc détermine sans doute l’implantation d’un mur de clôture venant limiter au sud lesdits jardins.

Mur de clôture venant limiter au sud les jardins (SAPDA)
Vue des sols de voirie détectés en face sud du mur (SAPDA)

Une voirie de maigre qualité borde le mur au sud.

Le jardin situé au nord accueille deux constructions dont il ne reste rien, à savoir une possible annexe rurale en partie nord du sondage 1, et un vaste hangar sur poteaux à l’emplacement actuel du parc de stationnement.

Bloc de pierre pris dans la coupe du sondage 3, qui devait supporter le poteau en bois d’un hangar (SAPDA)
Emplacement du poteau de bois qui s’encastre dans le bloc de pierre (SAPDA)

C’est vraisemblablement au cours du 20e siècle que ces deux bâtis sont détruits, ce qui donne lieu au remplissage de vastes fosses de démolition et d’épandages de matériaux de destruction sur toute la zone. Un second apport de matériaux est ensuite réalisé en vue de niveler l’ensemble des terrains, et fixe le niveau de circulation actuel.

2019 – Nouveau pont, barreau routier entre Neuvy et Moulins

Diagnostic d’archéologie préventive

Date d’intervention : 24 juillet au 20 août 2019
Responsable scientifique : Eric Yény

Surface prescrite : 138 175 m2
Nature de l’aménagement : Construction d’un pont sur l’Allier et d’une route en tracé neuf

Aménageur : Communauté d’agglomération de Moulins

Chronologie : Protohistoire, Antiquité, Moyen-Âge, Époque Moderne, Époque Contemporaine

Entre le 23 juillet et le 27 août 2019, une équipe d’archéologues a mené un diagnostic préalable à la construction du nouveau pont sur l’Allier, à Moulins, ainsi qu’à l’aménagement du barreau routier reliant la RD 13 et la RD 953, sur les communes de Moulins et de Neuvy.

Photographie d’ambiance du terrain en cours de fouilles (SAPDA)
Localisation de l’opération (E. Yény, SAPDA)

Au total, 39 sondages ont été effectués : 38 à l’aide de moyens mécaniques sur la terre ferme, et un dernier réalisé manuellement sous l’eau. Ces investigations ont concerné des contextes variés – urbains, fluviaux et ruraux – et ont révélé des résultats très divers, aussi bien par leur nature que par leur période chronologique.

Photographie d’ambiance du terrain en cours de fouilles (SAPDA)

Dans les secteurs urbains, notamment cours de Bercy et allée des Soupirs, les fouilles ont montré que l’urbanisation de cette partie de la ville est relativement récente, ne remontant pas avant l’Époque Moderne (1492-1789).

Sondage réalisé cours de Bercy (E. Yény, SAPDA)
Sondage profond de 3 m, réalisé pour atteindre le substrat géologique et observer les différents dépôts alluviaux de la rivière Allier (E. Yény, SAPDA)

Du côté de la rive droite de la rivière, les sondages n’ont pas mis en évidence de structures humaines en place. Les couches rencontrées étaient composées de sables et de graviers d’apport moderne, parfois très épais. Quant au sondage manuel réalisé sous l’eau, ainsi que la prospection visuelle menée dans le lit de la rivière, ils n’ont révélé aucun vestige. L’archéologie subaquatique est une méthode un peu particulière, puisque nécessitant d’intervenir sous l’eau. Les archéologues sont alors équipés de combinaisons et de bouteilles leur permettant de respirer sous l’eau. Les méthodes de fouilles sont similaires, mais tous les gestes sont plus compliqués à mettre en œuvre.

L’opération prévoit d’explorer la rivière Allier elle-même (O. Trobat, SAPDA)
Les archéologues sont aussi plongeurs (O. Trobat, SAPDA)
Les découvertes sont documentées comme lors de découvertes terrestres, ici un objet métallique a été découvert (O. Trobat, SAPDA)
Cet objet est un fer de bâton de marine. Cet outil, qui servait à diriger le bateau (grande sapinière ou grande toue), présentait une extrémité recouverte d’un élément en fer servant à le solidifier. Ce type de bâton est en usage jusque 19e siècle, ils sont longs de 3 à 6 m (O. Trobat, SAPDA)

Dans l’emprise du projet routier, en revanche, les résultats ont été plus significatifs. À l’est, sur la commune de Neuvy, les archéologues ont découvert deux fossés et des trous de poteaux témoignant d’occupations humaines à l’époque protohistorique (2100 à 52 avant J.-C.) puis à l’époque antique (52 avant à 476 après J.-C.). Ces vestiges alternaient avec des dépôts d’argile contenant du mobilier archéologique.

Localisation de quelques vestiges au sein d’un sondage archéologique (R. Guillon, SAPDA)
Photographie et relevé d’un trou de poteau. Le poteau de bois à intégralement disparu, mais il reste l’empreinte du trou qui a été creusé pour son installation. Les éléments de Terre Cuite Architecturale (TCA) et de calcaire servait au calage du poteau (R. Guillon, SAPDA)
Relevé de la coupe d’un fossé qui a connu plusieurs creusements successifs (R. Guillon, SAPDA)
Photographie de la coupe du même fossé (E. Yény, SAPDA)

Un peu plus à l’ouest, environ à mi-parcours du futur tracé routier, une séquence stratifiée et un trou de poteau relativement bien conservé ont révélé une occupation protohistorique (2100 à 52 avant J.-C.) recouverte par des dépôts d’argile.

Photographie d’un des trous de poteaux ayant livré du mobilier (R. Guillon, SAPDA)

Ces derniers contenaient une quantité importante de mobilier allant de la Protohistoire jusqu’à la fin du Moyen Âge (476-1492). Ces deux occupations, bien que situées à une certaine distance l’une de l’autre, présentent un aspect étonnamment similaire.

Enfin, à l’extrémité ouest du projet, les fouilles ont permis d’identifier une voie antique. Celle-ci reste ici mal conservée : la bande de roulement a intégralement disparue, mais sont conservés deux fossés bordiers et les couches de préparation. Son existence avait déjà été suggérée grâce à l’analyse des données lidar (relevés topographiques par laser). Cette voie antique semble recouvrir des traces plus anciennes d’occupation protohistorique, elles aussi attestées par la présence de trous de poteaux.

Plan de localisation des vestiges de la voie antique : en bleu les fossés bordiers, en vert l’emprise de la voie, aujourd’hui arasée (R. Guillon, SAPDA)
Orthophotographie en coupe de la voie antique (SAPDA)
Tracé de la voie antique visible sur le relevé LiDAR, en rouge : emprise du diagnostic archéologique (E. Yény, SAPDA)
2021 – Le Clos Sainte-Marie

Diagnostic d’archéologie préventive

Date d’intervention : 22 mars au 14 avril 2021
Responsable scientifique : Franck Chaléat

Surface prescrite : 7 209 m2
Nature de l’aménagement : Création d’une résidence séniore

Aménageur : CDR Promotion

Chronologie : Moyen-Âge, Époque Moderne, Époque Contemporaine

Vue de la façade intérieure de l’aile orientale (depuis la cour) (F. Chaléat, SAPDA)

Entre le 22 mars et le 14 avril 2021, une équipe de trois archéologues du Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier (SAPDA) a mené une campagne de fouilles sur la parcelle située au 3 rue Achille Roche, à Moulins, un site occupé autrefois par des bâtiments scolaires. Huit sondages archéologiques ont été ouverts, et la plupart se sont révélés positifs. Les découvertes permettent de mieux comprendre l’histoire de la ville basse de Moulins à la fin du Moyen Âge (14e-15e siècles) et à l’Epoque Moderne (1492-1789), notamment des éléments jusque-là inconnus.

Localisation des sondages archéologiques, en rouge (F. Chaléat, SAPDA)

D’épaisses couches de terres agricoles anciennes ont été observées dans tous les sondages. Ces terres sont plus épaisses le long des rues actuelles (jusqu’à 2,30 mètres dans le sondage 3, situé sous l’aile nord) que dans la zone du parking ouest, où elles ne mesurent que 50 à 60 centimètres (sondages 7 et 8). Cela montre que les bords de la parcelle ont été cultivés très tôt et intensément, bien avant le cœur du terrain. Le mobilier archéologique (objets retrouvés) indique que ces terres ont probablement été mises en culture dès la seconde moitié du Moyen Âge (11e-15e siècles), une période encore peu documentée dans cette zone. Cette activité agricole semble avoir diminué au 18e siècle.

Vue du sondage 5 dévoilant des terres de culture (SAPDA)

Sous le parking actuel, ont également été mis au jour plusieurs fossés larges, qui révèlent un ancien découpage du terrain en bandes orientées nord-sud.

Vue en coupe d’un des fossés de délimitation de parcelles cultivées (cliché J-.B. Kowalski, SAPDA)

Le long des rues, ces terres agricoles semblent avoir été très tôt associées à des constructions. Ont été identifiés de grands drains (systèmes d’évacuation d’eau), destinés à assainir le sol avant la construction de bâtiments aujourd’hui disparus.

Exemple de drain en terres cuites (SAPDA)

Dans l’ancienne chapelle, un sondage a révélé, au fond de la fouille, une bande de mortier rectiligne : il pourrait s’agir de la base d’un mur datant des 16e ou 17e siècles.

Vue générale du sondage 4, en fin de fouille, au centre de la nef de la chapelle (SAPDA)
Vue de l’arase d’une maçonnerie (SAPDA)

Plus généralement, les abords des rues ont été profondément transformés au 18e siècle. C’est à cette époque que sont apparus de petits bâtiments, identifiés grâce à des restes de maçonneries étroites en briques ou en pierre, ainsi que des sols d’intérieur compactés et durcis.

Vue de la jonction entre les arases étroites de maçonneries de briques ou de pierres (cliché J.-B. Kowalski, SAPDA)
Vue d’ensemble du sondage 1 à l’intérieur du bâtiment (SAPDA)

Dès cette période, les murs suivent déjà les orientations des rues actuelles (rue Jean Bart et rue Achille Roche), ce qui montre une certaine continuité dans l’organisation de l’espace urbain. Les sols associés à ces constructions présentent souvent au moins deux phases de réfection, ce qui prouve que les bâtiments ont été utilisés sur une longue durée.

Vue d’un segment de mur parallèle à la rue Jean Bart (SAPDA)
Vue d’un parement en pierres (SAPDA)

Aucune installation précise ne permet d’identifier avec certitude la fonction de ces édifices. Toutefois, dans le secteur de la chapelle, des indices laissent penser qu’il s’agissait peut-être d’un atelier lié à la fabrication de faïence : les archéologues y ont en effet retrouvé des traces de cuisson céramique et de nettoyage de foyers.

Photographie d’une céramique, petite lèvre arrondie avec décor de liséré bleu. Probablement un raté de cuisson (SAPDA)

Ces constructions du 18e siècle ont été remplacées, au cours de la seconde moitié du 19e siècle, par un nouveau bâtiment de style néo-classique, dont une partie est encore visible aujourd’hui. Ce bâtiment est organisé autour de la chapelle située à l’angle de la parcelle, et de deux ailes disposées en équerre.

Au 20e siècle, un dernier ajout vient compléter l’ensemble : un bâtiment utilitaire de type semi-rural, orienté nord-sud, mis au jour dans le sondage 5. Celui-ci a été utilisé jusqu’aux années 1970, comme le montrent des photos aériennes anciennes. Les dernières transformations du site sont liées à la vie de l’école qu’il a abritée.

Vue de la façade sur la rue de la chapelle d’angle visible aujourd’hui (F. Chaléat, SAPDA)
2022 – Pont Mansart

Diagnostic d’archéologie préventive

Date d’intervention : 7 décembre 2021 – 31 janvier 2022
Responsable scientifique : Jean-Baptiste Kowalski

Surface prescrite : 1 050 m2
Nature de l’aménagement : Construction d’une passe à poissons en rive droite de Moulins

Aménageur : Communauté d’agglomération de Moulins

Chronologie : Époque Moderne

Vue générale de l’opération en cours (SAPDA)

Cette fouille fait suite à un diagnostic archéologique réalisé par O. Troubat à l’automne 2021. Ce premier travail avait concerné la zone de la future passe à poissons, le radier du pont Régemortes et les fosses prévues pour l’extraction de sable. À cette occasion, les archéologues avaient découvert des alignements de pieux accompagnés d’enrochements, situés environ 235 mètres en aval du pont Régemortes. Ces structures pourraient correspondre à un ancien ouvrage destiné soit à canaliser la rivière, soit à faciliter la navigation, puisqu’elles suivent exactement la ligne de l’ancienne rive ouest de l’Allier. Les archives de Moulins mentionnent d’ailleurs à plusieurs reprises la construction de ce type d’ouvrages en bois pour ramener le cours de la rivière vers la ville. Des analyses au radiocarbone confirment cette information, en révélant des réparations effectuées depuis la première moitié du 15e siècle jusqu’à la construction du pont Régemortes en 1763.

Photographie de terrain d’un ouvrage en bois (Cliché : J.-B. Kowalski)

Le diagnostic s’est aussi intéressé au radier de fondation du pont Régemortes, construit entre 1753 et 1763. Cet ouvrage reposait sur un système de caissons de madriers, perpendiculaires au courant, assemblés à tenon et mortaise sur des pieux.

Relevé de l’avancement des travaux du pont Mansart daté du 20 juillet 1709 (Source : École des Ponts et Chaussées)

Mais la découverte la plus marquante a été celle de l’effondrement du pont Mansart, qui a motivé la fouille préventive menée entre décembre 2021 et janvier 2022. Les archéologues ont mis au jour des épandages de pierres de taille en grès et de briques, recouverts de moellons calcaires. Ce pont, conçu par Jules Hardouin Mansart au début du 18e siècle pour remplacer le pont Ginguet ruiné, devait compter trois arches reposant sur deux piles massives fondées sur pieux. Les parements étaient prévus en blocs de grès de Messarges, le remplissage en moellons calcaires et l’intérieur des voûtes en briques. Tous ces matériaux ont été retrouvés lors de la fouille. En revanche, les pieux de fondation étaient presque absents : constitués de billes de chêne équipées de sabots métalliques pour éviter qu’ils ne se fendent, la plupart avaient été soit emportés par une crue, soit récupérés plus tard. Certains pieux semblent même avoir été utilisés pour une passerelle de service, car ils avaient été sectionnés alors que le chantier était déjà avancé. Comme pour la plupart des ponts, des agrafes métalliques servaient à renforcer la structure face à la pression de l’eau. Trois types ont été identifiés : un petit modèle à branches plates, le plus fréquent ; un modèle similaire mais à branches carrées, réutilisé d’un autre chantier ; et un grand modèle d’environ trois mètres de long, destiné à relier blocs et briques.

Sous l’effondrement du pont, l’épave d’une embarcation à fond plat a été découverte, caractéristique de la navigation en rivière.

Photographie de terrain de l’épave à fond plat caractéristique de la navigation de rivière (Cliché : S. Heitzmann)

Le chantier, commencé en 1705, n’a jamais abouti : le pont s’est effondré en 1709, avant même que les cintres (les charpentes en bois qui soutenaient les arches pendant la construction) ne soient retirés. Cet effondrement a figé en place les fermes de charpente, permettant aux archéologues d’observer directement la manière dont elles avaient été conçues et assemblées. On a pu constater que le travail ressemblait beaucoup à celui d’un charpentier, avec des traces d’équarrissage visibles sur les bois. Les assemblages étaient réalisés principalement à mi-bois, renforcés par des boulons à clavettes permettant des ajustements précis.

Photo de détail d’une unité de bois (Cliché : J.-B. Kowalski)

L’effondrement du pont Mansart, bien qu’accidentel, a ainsi conservé des informations uniques sur la construction des ponts au début du 18e siècle. Il a aussi permis de comprendre pourquoi l’ouvrage avait échoué : le terrain était trop meuble et le lit de la rivière trop étroit, ce qui augmentait la force du courant et provoquait l’affouillement sous une pile. Le pont Régemortes, bâti un demi-siècle plus tard, a corrigé ces problèmes grâce à un radier continu sous ses piles et à un élargissement important du lit de l’Allier.