2024 – 5 avenue de Lyon, îlot Gramont
Diagnostic d’archéologie préventive
Date d’intervention : 18 au 20 novembre 2024
Responsable scientifique : Gabriel Rocque
Surface prescrite : 1 579 m2
Nature de l’aménagement : Démolition et réaménagement d’un îlot urbain
Aménageur : Ville de Vichy
Chronologie : Antiquité, Moyen Âge, Époque Contemporaine
L’intervention qui s’est déroulée sur la commune de Vichy, 5 avenue de Lyon, en préalable au réaménagement de l’îlot bâti, a eu lieu du 18 au 20 novembre 2024. Elle a été menée par une équipe de quatre archéologues du Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier sur une superficie de 1 579 m2.

Ce diagnostic est localisé en périphérie de l’agglomération antique d’Aquis Calidis et plus précisément à une centaine de mètres à l’est des ateliers de potiers gallo-romains, mis au jour au 19e siècle, sous la gare actuelle.
Cinq sondages ont été mis en œuvre, couvrant une superficie de 230 m2, soit 14,5 % de la surface.


Les niveaux naturels ont été atteints dans les sondages 1, 2 et 3. Ils sont assez homogènes et assimilés à de la grave liée aux anciennes alluvions de l’Allier.
Ces niveaux sont recouverts par un horizon stratigraphique qui se retrouve sur toute la surface du diagnostic. De nature plutôt argileuse et grise, cette couche est épaisse de 10 à 20 cm et contient quelques rares fragments de terres cuites architecturales et quelques tessons fortement roulés. Ces éléments pourraient, sans certitude aucune, être rattachés à la période antique. Il pourrait s’agir là d’un paléosol gallo-romain qui atteste que la ville gallo-romaine ne s’étendait pas jusqu’ici et malgré la proximité des ateliers, aucune trace d’activité de cette période n’a été mise en évidence.
Ces différentes couches sont creusées par deux fossés parallèles qui suivent un axe sud-ouest / nord-est et semblent s’infléchir légèrement vers l’ouest au nord de l’emprise. Ils sont tous deux distants de 3,40 m environ et apparaissent à une profondeur d’environ 0,50 m. Ils sont larges de 1,90 à 2 m et profonds de 0,50 à 0,70 m. De forme plutôt évasée avec un fond arrondi, il pourrait s’agir là des fossés bordiers d’une voie dont le niveau de circulation aurait disparu. Leur pendage est quasiment nul, ces fossés ne servaient donc pas à l’évacuation des eaux.



Au sein de leur comblement, un corpus céramique assez conséquent permet leur datation aux 13e-14e siècles. À noter la présence d’une possible miniature d’un pot recouvert d’une glaçure jaune et décoré de pastilles en forme de tétons ainsi que de bandes rapportées incisées de décors rectangulaires pratiqués à la molette. Les tétons sont en outre peints en brun-rouge, tandis que les bandes rapportées sont enduites d’une glaçure d’un vert intense. Ce type de décor est en général réservé à des éléments de service ou d’apparat.

La stratigraphie ne montre pas de phase de décaissement durant le 19e siècle comme c’est souvent le cas à Vichy, et les niveaux plus anciens sont conservés. Pourtant, la période Moderne n’est pas représentée dans le corpus mobilier, suggérant que ce secteur de la ville n’était que peu occupé et peut être réservé à des espaces agricoles, et ce jusqu’au 19e siècle.

Cet îlot est en effet caractéristique de l’urbanisation de ce secteur de la ville à partir du courant du 19e siècle. En effet, le cadastre dit « napoléonien», daté de 1812, montre une zone non bâtie à cet endroit.
En revanche, sur les plans de 1865 et 1868, cet îlot est déjà aménagé de plusieurs édifices dont certains ont été conservés, transformés et intégrés dans de nouveaux bâtiments, jusqu’à leur destruction en septembre 2024. Un seul édifice construit à cette époque est conservé dans le projet de reconstruction. Deux de ces premiers édifices ont été retrouvés dans les sondages.

Le plus au nord s’organise en biais par rapport à l’ancienne avenue Victoria (actuel boulevard Gambetta). Il semble plutôt s’apparenter à une grange édifiée sur des poteaux de bois implantés sur des bases quadrangulaires en pierres. Un sol pavé s’étend probablement sur l’avant du bâtiment. Il est constitué de pavés mesurant entre 20 et 28 cm de long pour 10 à 25 cm de large et une épaisseur de 8 à 18 cm. Un tesson de céramique à la glaçure marron-orange, atteste de cette datation contemporaine.


Le second édifice se développe le long de la rue Drichon (qui porte toujours le même nom). Il est constitué d’un bâtiment central, flanqué de part et d’autre de probables annexes. Les murs de la partie centrale ont été retrouvés dans les sondages 2 et 3. Ils présentent les mêmes caractéristiques : 0,50 m de large, utilisation de pierres rhyolitiques pour les parements et le blocage, lien par un mortier de chaux jaunâtre. Seul l’édifice annexe nord a été appréhendé dans les sondages.


À l’intérieur de cet édifice, une série de quatre bases de mortier sont alignées. Elles portent toutes un trou circulaire ou rectangulaire qui accueillait certainement un poteau de bois. Une cinquième base a été mise au jour, mais ne se trouve pas dans l’alignement des précédentes. Ces éléments ne semblent cependant pas fonctionner avec le bâtiment précédemment décrit. Elles pourraient être antérieures, sans qu’aucune donnée stratigraphique ne permette de s’en assurer.
Deux puits pourraient être associés à cette première phase d’édification.
La première photographie aérienne disponible (1928) montre la densification des constructions. Certains bâtiments sont démolis et remplacés par d’autres, tandis que certains sont conservés. Le bâti évoluera par la suite assez peu jusqu’aux premières démolitions de la pointe sud en 2015.


Le regard d’une canalisation en terre cuite a été comblé par deux plaques de marbres probablement jointives. Sur la première on lit l’inscription « UVE-IR » pour «SOUVENIR». La seconde se répartit en 5 lignes : «À NOS», «PE-ITS», «CA-RADES», «DU» «B-MI 104» pour «À NOS PETITS CAMARADES DU B….104». L’abréviation finale n’est pas élucidée, faute de temps pour s’y consacrer. Il pourrait s’agir, sans certitude, d’une plaque commémorative au 104e régiment d’infanterie territoriale qui contient 3 bataillons. Durant la guerre de 1914-1918, plusieurs Vichysois étaient présents dans ce régiment.

2022 – 1 avenue thermale
Diagnostic d’archéologie préventive
Date d’intervention : 3 au 11 octobre 2022
Responsable scientifique : Gabriel Rocque
Surface prescrite : 21 678 m2
Nature de l’aménagement : Aménagement d’un centre aqualudique
Aménageur : Nouvelle Société Hôtelière Vichyssoise
Chronologie : Antiquité, Moyen Âge, Époque Moderne, Époque Contemporaine

L’intervention qui s’est déroulée sur la commune de Vichy, 1 rue avenue thermale, en préalable à l’aménagement d’un centre aqualudique, a eu lieu du 3 au 11 octobre 2022. Elle a été menée par une équipe de deux archéologues et un chauffeur de pelle du Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier sur une superficie de 21 678 m2.

Ce diagnostic est localisé en périphérie d’occupations anciennes plus ou moins bien documentées : occupations antiques (habitats et artisanat, notamment tabletterie et métallurgie), prieuré bénédictin de Saint-Alyre pour la période médiévale et proximité des thermes contemporains. Ainsi, l’opération se trouve au cœur des thermes édifiés à partir de 1900 et inaugurés en 1903.

Ils ont connu un agrandissement en 1933-1934 (ajout de l’aile nord).


Enfin, un réaménagement partiel a eu lieu en 1977-1978 (destruction des ailes centrales ainsi que des ailes est et ouest, construction d’un hôtel qui rejoint les ailes sud et nord et aménagement d’un parking souterrain à l’ouest).


Ainsi, cette opération prend place dans un environnement déjà très urbanisé depuis le début du 20e siècle. Seuls trois sondages ont pu être implantés dans la cour est. Ils ont tous trois révélé la présence de vestiges denses datés de l’Antiquité à la période contemporaine et d’une stratigraphie complexe qui s’étend sur une épaisseur de 3,50 à plus de 4 m.



Les niveaux naturels ont été atteints ponctuellement, par le biais de sondages mécaniques à une profondeur de 3,50 à 4,10 m. Ils se présentent sous la forme de couches de graves et d’un possible niveau verdâtre épais de 1 à 1,90 m dont l’interprétation comme couche naturelle reste incertaine.


L’époque antique n’est pas représentée par des vestiges structurés. Seules quelques couches attestent de la démolition durant l’Antiquité tardive (4e – 5e siècles) de vestiges plus anciens du Haut-empire (entre le milieu du 1er siècle avant J.-C. et le 3e siècle après). Un possible niveau de démolition sert probablement de circulation. Si aucun vestige construit n’est mis au jour, leur présence à proximité est largement suspectée. Il faut également noter que l’importance des vestiges contemporains et médiévaux n’a bien souvent pas permis d’atteindre les altitudes d’apparition des vestiges antiques qui sont présents à une profondeur d’environ 1,90 m.
L’occupation médiévale est caractérisée par quelques structures non interprétées (agencements de pierres plates).

Par ailleurs, deux fossés ont été identifiés dans le sondage 1. L’un, d’orientation est / ouest, semble marquer une inflexion vers le sud. Il est large de 0,50 m. Le second, d’axe nord-est / sud-ouest, est large de 1,30 pour une profondeur de 1,40 m. Sa stratification, complexe, a été difficilement perçue. Elle atteste néanmoins de l’entretien du fossé par la présence de plusieurs curages ou recreusements.



Le corpus céramique de ce dernier est particulièrement riche et caractéristique d’occupations domestiques. Par ailleurs, la présence de torchis brûlés confirme cette interprétation. La datation de ce fossé reste délicate puisque la majorité du corpus est datée des 11e-13e siècles, mais certains éléments remontent aux 13e-14e siècles. Sans qu’il ne soit possible de déterminer si ces éléments sont le témoin d’une occupation longue, ou dus aux difficultés de fouilles (profondeur importante, fouille mécanique, etc.). Par ailleurs, des niveaux médiévaux sont également présents à une altitude similaire dans le sondage 3. Le mobilier, peu abondant, fournit néanmoins une datation du Moyen Âge central (10e – 13e siècles). Les vestiges médiévaux apparaissent à une profondeur comprise entre 1,70 et 1,90 m.



Les vestiges les plus nombreux et les plus denses sont datés de la période contemporaine (de 1789 à nos jours). Ils éclairent le passé thermal de la ville de Vichy.
Au nord, dans le sondage 1, ils sont assez disparates et ne sont pas clairement datés : un mur d’axe nord / sud, un bassin avec puits au fond, des tranchées d’enfouissement de réseau contenant des matériaux de destruction (dallettes bleues, chenaux en faïences, etc.) probables décors des thermes de 1900. Le bassin pourrait, sans certitude aucune, correspondre au réservoir mentionné sur le plan de 1850, ou bien aux pompes à feu dessinées sur un plan de 1854.






Au sud, les sondages 2 et 3 ont révélé les vestiges homogènes d’un édifice antérieur aux thermes de 1900 : la pastillerie et fabrication de sels dont la construction remonte à 1861.

Cet édifice, construit sur deux niveaux est caractérisé par des vestiges parfaitement bien conservés, documentés par un plan de 1878.




Au sous-sol, un pilier de soubassement du réservoir, sur les huit existants, a été partiellement dégagé.

Il est longé par une galerie souterraine dénommée « aqueduc » en partie détruite à l’est, mais intacte et encore voûtée au centre.


Il est relié vers le sud à un autre aqueduc dégagé en surface (extrados de la voûte), dénommé sur le plan « aqueduc des conduites principales des réservoirs aux bains » et à une vaste pièce en grande partie détruite par les thermes de 1900, appelé « cristallisation des sels ». Une petite salle carrelée a également été mise au jour, dont la fonction reste indéfinie.





Le rez-de-chaussée est constitué des vestiges d’un dallage de pierre recouvert d’une couche de suie noire et d’un massif partiellement dégagé, correspondant, sur le plan de 1878, à la « chaudière d’évaporation ».


Plus à l’ouest c’est la soute à charbon qui a été mise au jour. Les murs de cet espace sont également recouverts de traces noires issues du contact avec les galets de charbons. Cet espace montre des transformations ultérieures, avec l’installation d’un probable dallage similaire à celui des chaudières.
Au nord, le sol de pierres d’une « grande galerie » est encadré par des cloisons de briques.

Si cet édifice est en grande partie détruit lors de l’édification des thermes de 1900, les vestiges qui ont survécu sont particulièrement bien conservés et témoignent des techniques de construction du milieu du 19e siècle et du fonctionnement de la première usine de fabrication des pastilles Vichy ainsi que de la fabrication des sels utilisés dans les thermes voisins.

